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Sabine Andrivon-Milton
A l’heure où disparait le dernier poilu français, il convient de se poser des questions sur la mémoire que nous avons gardé de la Première Guerre Mondiale et du devoir de mémoire que nous devons perpétrer.
La disparition de ce dernier soldat de la Grande Guerre met fin à un épisode douloureux de l’histoire nationale sans toutefois effacer cette histoire. Les lieux de mémoire sont nombreux sur le territoire national et local à travers les monuments aux morts et les noms de rues. Des films (Un long dimanche de fiançailles, joyeux Noël, Indigènes,…) et de nombreux ouvrages sur le sujet retracent avec force détails les épisodes de cette guerre. L’histoire de la Première Guerre Mondiale est au programme des classes de CM2, de Troisième et de Première et donc étudiée par les jeunes générations. Chaque année, les cérémonies du 11 novembre rendent hommage à tous les combattants et des associations mettent en place des événements afin d’interpeller la population.
N’oublions pas que malgré la distance, la Martinique et ses habitants ont été directement concernés par ce conflit et que 1876 Martiniquais sont morts sur le champ d’honneur. Leurs noms (pour la plupart) sont gravés sur les monuments aux morts et inscrits dans un livre d’or. Retenons, au-delà des questionnements, que des Martiniquais ont pris part à un événement international et qu’ils ont contribué à repousser un ennemi qui, s’il avait conquis la France, aurait conquis aussi les colonies dont la Martinique.
Avec la disparition du dernier poilu français, il convient de se demander qui était le dernier poilu martiniquais et de lui rendre des hommages posthumes. Il s’agit de Valentin Lindor, né à Ducos le jour de la Saint-Valentin en 1898, fils de Lindor Ruffin et de Banal Marie-Françoise. Il avait sept sœurs et un frère.
Incorporé à la compagnie coloniale de la Martinique le 11 mai 1917, il embarque à destination de la France le 25 juin 1918 à bord du paquebot « Haïti » et intègre le 10e régiment d’artillerie à pied le 15 juillet 1918. Son grand frère Henri avait été incorporé mais grièvement blessé, il avait été amputé d’une jambe.
Nous avons eu la chance de rencontrer Valentin Lindor qui malgré son âge avancé, nous avait fait part de ses souvenirs de guerre. Il n’avait jamais oublié l’attitude de sa mère qui le croyant mort au front – car il n’avait pas donné de nouvelles à sa famille – s’était évanouie lorsqu’elle l’aperçu chevelu et barbe hirsute. Il était revenu à la Martinique en février 1920 rapatrié par le paquebot « Haïti ».
Il reprit aussitôt ses activités à l’usine de Petit-Bourg où il travailla jusqu’à son départ à la retraite. Entre temps, il avait fondé sa famille et avait eu cinq enfants dont un fils prénommé Edouard. Mais l’histoire de Valentin Lindor ne s’arrête pas là.
Ce jeune soldat n’avait pu faire valoir ses droits d’ancien combattant car il avait perdu son livret militaire. Il se contentait de suivre de loin les cérémonies en l’honneur des soldats de la Grande Guerre. Il a fallu que sa petite fille Marie-France découvre une petite plaque d’identité portant son numéro matricule pour que des recherches soient lancées et aboutissent 83 ans après la guerre à la reconnaissance de cet homme dans les rangs des anciens combattants. Ainsi en février 2002, il reçut la carte et la croix du Combattant et le 11 novembre 2002, la légion d’honneur. Le 2 décembre 2002, le dernier poilu martiniquais tirait sa révérence à l’âge de 104 ans. Il avait vécu sur trois siècles.
Le 7 mai 2008, un des bâtiments du camp militaire du RSMA de Gondeau portera son nom. Ultime hommage rendu par l’Armée à ce dernier poilu de la Martinique.